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La Croix. 9 Septembre 2005. Entretien avec Milan Kucan.

 

- Vous participez à la «Journée de l’interdépendance » (« Interdependence Day ») organisée à Paris le 12 septembre. Quel est l’objectif de cette manifestation ?

Milan Kucan: Le plus important est de sensibiliser l’opinion sur l’importance de l’interdépendance dans le monde contemporain, dans ses aspects négatifs comme dans ses aspects positifs. La plupart des hommes politiques sont conscients de l’accélération de l’interdépen- dance dans les domaines économi- que, financier, écologique, culturel, scientifique, technologique. En revanche, ce phénomène n’est pas encore assez reconnu et compris du grand public, non seulement au niveau du constat mais comme une chance pour construire un monde plus solidaire.

– En 1990, vous avez mené la Slovénie à l’indépendance. Quinze ans plus tard, votre pays n’est-il pas en train de redécouvrir les vertus de l’interdépendance en tant que membre de l’Union européenne ?

Dès le début du processus qui a mené à l’indépendance, nous étions conscients du fait que nous faisions partie de l’Europe et de la communauté internationale. Notre objectif était double : l’adhésion à l’Union européenne et à l’Otan. La notion d’interdépendance a toujours été présente dans nos esprits. Nous savons très bien qu’aucun pays ne peut aujourd’hui vivre seul, que ce soit sur le plan économique ou dans le domaine de la sécurité, de la culture, de la science et de la technologie. Nous voulions l’indé- pendance non pour être isolés mais pour participer sur un pied d’égalité à un processus d’intégration inter- nationale.

– Les Slovènes ne découvrent-ils pas aujourd’hui les aspects néga- tifs de la politique suivie par leurs dirigeants ? L’interdépendance économique n’est-elle pas perçue comme une menace, à travers les délocalisations, l’ouverture aux capitaux étrangers et les licenciements ?

Au moment où les Slovènes ont accédé à l’indépendance, ils n’avaient pas une vision idéaliste de l’économie libérale et de l’entrée dans l’Union européenne. En tant que président, j’étais hostile à une arrivée trop rapide et pas assez sé- lective des investissements étrangers et nous avons réussi à l’éviter dans la première phase de la privatisation. Nous avons suivi une politique qui faisait la distinction entre les secteurs où les capitaux étrangers étaient les bienvenus et ceux d’intérêt national qui devaient être proté- gés. Les conditions sont maintenant réunies pour une accélération de la privatisation dans le secteur des télécommunications, des banques et de l’énergie, mais la question est de savoir si le gou- vernement au pouvoir depuis unanaune stratégie. Il ne s’agit pas seule- ment de savoir quand vendre, àquietàquel prix, mais aussi ce qu’on va faire avec l’argent des privatisations. Si ces revenus ne sont pas investis dans la création de nouveaux emplois et la formation d’une main-d’œuvre qualifiée, ils ne feront qu’alimenter les finances publiques et affaiblir le pays. En Slovénie comme ailleurs, nous ressentons les effets négatifs de la mondialisation. Aujourd’hui, le ca- pital définit les règles de conduite de l’économie mondiale et les États sont impuissants, alors même qu’ils sont toujours tenus pour responsables de la paix sociale. Les seules règles acceptées au niveau mondial sont celles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans les autres domaines, elles sont inexistantes ou inefficaces.

– Après le rejet du projet de Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, le modèle européen d’interdépendance est-il encore d’actualité ?

La victoire du « non » en France et aux Pays-Bas reflète l’incertitude des citoyens européens devant le processus de mondialisation, en l’absence d’un système de valeurs qui sous-tende le processus d’inté- gration européenne. La politique européenne n’a pas été capable d’apporter une réponse à ces défis en coopération avec les citoyens et la société civile. La décision d’élar- gir l’Union européenne à vingt-cinq membres se justifiait politiquement, mais elle a déclenché beaucoup de méfiance parmi les citoyens des quinze comme chez ceux des nou- veaux Etats membres. Ni les uns ni les autres n’étaient prêts à vivre dans une Europe aussi vaste. L’Europe a besoin d’un débat sur le rôle de l’Union européenne dans le monde. La conception euroaméricaine de la démocratie et des valeurs ne peut pas être uniformément acceptée sur toute la planète. L’Europe de- vrait prendre l’initiative en faveur d’un dialogue entre les grandes civilisations, à la recherche d’un consensus sur un minimum de valeurs communes qui permettent une gouvernance mondiale aussi peu conflictuelle que possible, une coexistence et un partage de la responsabilité dans la conduite des affaires du monde.

– L’Union européenne peut-elle devenir autre chose qu’une simple zone de libre-échange ?

La seule logique du capital ne sera pas capable de maintenir en vie l’Union européenne. Plus que l’économie, ce sont des valeurs qui constituent l’épine dorsale de l’intégration européenne. Face à la fragmentation des sociétés, au manque de sentiment d’apparte- nance et au développement de la compétition entre les individus dès la scolarité, l’Europe devrait encou- rager les valeurs de solidarité et de justice, dans les relations interper- sonnelles comme dans les relations internationales.

RECUEILLI PAR FRANÇOIS D’ALANÇON (À Ljubljana)

Milan Kucan, est né 14 janvier 1941 à Krizevci, un village de l’est de la Slovénie, proche de la frontière hongroise. Il est diplômé de la faculté de droit de l’université de Lublijana en 1964. À la tête de la section slovène de la Ligue des communistes Yougoslaves à partir de 1986, il est élu en 1990 président de Slovénie, qui est encore une république au sein de la République fédérale de Yougoslavie. Il conduit le pays à l’indépendance le 25 juin 1991, puis est élu en 1992 premier président de la République de Slovénie indépendante. Réélu en 1997, il se retire du pouvoir en novembre 2002, à la veille des nouvelles élections. Il participe à cette Journée de l’interdépendance aux côtés de nombreuses personnalités comme Harry Belafonte, chanteur et ambassadeur de bonne volonté auprès de l’ONU, Andreas van Agt, ancien premier ministre des Pays-Bas, Ruth Dreifuss,ancienne présidente du Conseil fédéral suisse, Olara Otunnu, sous-secrétaire des Nations unies, Andrea Pastrana, ancien président de Colombie et Dennis Kucinich, élu démocrate au Congrès américain.

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